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Les Chroniques de Gusbby !
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Chronique du temps écoulé

Chronique du temps écoulé  ♂♀

 

L’écran de l’ordinateur affichait 19h15. Le soleil était déjà couché. Une jeune femme travaillait. Elle avait un dossier important à  finaliser. La pluie avait commencé à s’abattre sur les fenêtres de la pièce. Émilie se sentait épuisée et dû se relire plusieurs fois pour être sûre de n’avoir rien oublié de préciser dans son texte. Un homme entra dans le bureau au même moment.

« - Tu n’es pas encore partie ?

- Non, enfin je vais bientôt avoir fini.

- Tu travailles beaucoup trop Émilie, tu ne profites pas assez de ta jeunesse !

- Oh si, crois moi et je me dis que j’en ai marre de ces enfantillages qui ne mènent a rien.

- Hm, un garçon ?

- Pourquoi directement un garçon ?

- Parce que je suis ton père et que je m’inquiète pour toi, tu as l’air abattu depuis quelques jours.

- Papa, quand j’aurai envie qu’on ait nos moments confidences façon « père-fille » je te le ferai comprendre mais là j’ai vraiment pas envie d’en parler.

- Bon très bien, si tu tiens à être têtue comme ta mère. D’ailleurs elle m’a demandé si tu passais manger ce soir ?

- Hm, non, je pense que j’irai traîner avec une amie.

- D’accord, ne tarde pas trop ma puce, préviens moi quand tu pars » et il ferma la porte.

 

Il était 19h40 quand Émilie ferma à clé son bureau, avant de partir elle passa par celui de son père pour l’avertir de son départ. Elle appela sa meilleure amie, Mathilde, pour planifier le lieu où elles se retrouveront. Elle appela ensuite un taxi. Dehors, la pluie s’intensifiait et le vent apparaissait.

Dans le taxi, Émilie observait la pluie qui s’abattait sur la route et pouvait ressentir sa froideur en posant sa tète sur la vitre. La circulation était lente voir torturante. Émilie attrapa son sac et chercha son Iphone. Il était éteint, il avait sûrement dû se décharger dans l’après-midi. Et merde. Voyons le bon coté des choses, elle n’aurait plus à regarder si elle avait reçu un SMS de J. Pourquoi est ce que c’était si compliqué entre eux ? Est-ce que pour une fois il pouvait au moins assumer ses sentiments ? Quel idiot. Émilie tourna de nouveau son regard vers la vitre. Une horloge affichait 19h56, elle resta silencieuse le restant du trajet.

 

Elle rejoignit Mathilde un quart d’heure plus tard. Les deux jeunes femmes prirent la direction de leur restaurant préféré. Chaussures, potins et voyages, coupe de vins et petits fours, les discutions étaient toujours enthousiastes entre elles. Sauf sur un sujet. Mathilde posa une question à Émilie :

« Et avec Jules, vous en êtes où ? » Un pincement au cœur s’introduit dans le corps d’Émilie. Les yeux baissés, elle essaya d’expliquer qu’elle ne voulait pas apprendre à un homme d’assumer les raisons du cœur et puis s’il tenait vraiment à elle il l’aurait appelé depuis maintenant trois jours. Mathilde ne brusqua pas Émilie, car malgré tout ce qu’elle pouvait dire, elle savait très bien qu’Émilie était amoureuse. Ce sentiment dévorant, tranchant comme une lame de rasoir qui pouvait faire saigner l’innocence.

 Et quand il n’est pas la copie exacte d’un conte de fées, qu’il en est tout son opposé, ce sentiment laisse tout être humain avec un cœur agonisant. Dehors, le vent soufflait de plus en plus et la pluie ne s’arrêtait toujours pas.

Il était 22h13 quand le serveur apporta les desserts pour Émilie et Mathilde. Émilie avait déjà pris deux bouchés de sa crème brûlée quand elle ressentit une violente douleur parcourir tout son corps, ses oreilles ne faisaient que de siffler, elle aurait pu en saigner tant elle avait mal.

Elle tomba de sa chaise et voulu se raccrocher à la table mais ne réussit qu'à tirer sur la nappe qui fit tomber de la vaisselle sur le sol du restaurant. Mathilde se précipita vers son amie pendant que les autres personnes assissent à leur table furent surpris du vacarme et tétanisés par cette jeune femme qui tombait à même le sol.

Quelques minutes plus tard, Émilie ouvrit les yeux. Mathilde la regardait d’un air inquiet et ne faisait que de lui demander si tout allait bien. Le serveur faisait en sorte de laisser un maximum d’espace autour d’ Émilie, les autres personnes la regardaient d’un air inquiet mais surtout curieux de ce qu’il s’était passé. La douleur s’estompait et elle pouvait à nouveau entendre correctement. Dehors l’orage grondait. De l’orage ?

 

« - Bon dieu Émilie, qu’est-ce que tu m’as fait là ?

- Excuse moi, répondit elle en se relevant doucement, c’est sans doute le vin et la fatigue, un simple vertige.

- Vertige ou pas, je te ramène chez toi ma belle.

- Je t’assure que ça ira c’est passé regarde..

- Ne discute pas ! Sinon j’appelle ton père !

- Bon pas besoin d’avoir recours au chantage traître, je vais t’écouter. »

 

A 22h32, Mathilde régla l’addition et les deux amies sortirent du restaurant pour se diriger à l’endroit où était stationnée Mathilde.

 

A 22h47, le téléphone sonna chez les parents d’Émilie. Son père décrocha. Un jeune homme était au bout du fil et désirait s’entretenir urgemment avec Émilie, il parlait fort et avait l’air inquiet. Son père voulu connaître les raisons de cet affolement.

 

Dans la voiture, Émilie scrutait de nouveau les rues. La pluie n’en finissait plus, elle martelait le sol si violemment, cela l’intriguait. Et l’orage ? Il grondait sans cesse. Tout d’un coup elle se senti malade et nauséeuse, elle avait hâte d’arriver chez elle.

Une fois sortie de la voiture, Émilie avait l’impression de suffoquer, un point de coté jaillit juste en dessous de ses côtes, c’était insupportable. Mathilde lui demanda si tout allait bien. Émilie mentit en répondant que oui. Sa montre affichait 23h11 quand Mathilde l’accompagna dans l’entrée de sa résidence. Elle n’avait pas vu l’homme qui avait accouru dans sa direction. Il toqua violemment sur la porte d’entrée pour se faire remarquer. Les deux amies se retournèrent apeurées mais Émilie reconnut l’homme derrière la porte. Étienne ? Mais qu’est-ce qu’il fait là ? Elle ouvrit la porte et le jeune homme entra en hâte.

 

« - Mais bordel, ton portable il sert à quoi ?! J’ai essayé de te joindre depuis plus d’une heure maintenant !

- Eh ho du calme ! Mon portable n’a plus de batterie depuis que je suis parti du boulot, j’ai oublié de le recharger ce matin, ça arrive à tout le monde ! Et pourquoi t’es dans cet état là ?

- Pourquoi je suis dans cet état là ? Si tu n’avais pas oublié de recharger ton portable, tu aurais sans doute appris qu’une ambulance avait transporté Jules à l’hôpital dans un état grave !

- Quoi .. ?

L’information avait du mal à s’enregistrer.

- Jules a eu un accident de voiture, tout le monde a essayé de te joindre Émilie, lui dit-il sur un ton plus adouci. Mathilde avait la main sur la bouche.

- Il.. Il faut que je prenne mon chargeur. .

- Je suis brusque, excuse moi, mais on n’a pas le temps, je t’emmène à l’hôpital il faut qu’on aille le voir.

- Je vais vous suivre », dit Mathilde.

Émilie se laissa prendre le bras par Étienne, il était le meilleur ami de Jules, malgré son franc parler et sa dureté, elle l’avait toujours apprécié. Elle rentra dans sa voiture et laissa ses yeux regarder les rues et paysages qui défilaient, subissant les fouets de la pluie qui continuait à tomber.

 

 

L’horloge de l’accueil indiquait 23h41, Émilie suivait Étienne dans les couloirs de l’hôpital. Elle avait l’impression d’être une malade, d’avoir toujours été présente ici. Elle se sentait de nouveau nauséeuse, n’osant pas regarder certains amis de Jules qui la reconnurent. Elle s’assit sur une chaise n’arrivant pas à ravaler sa salive dû à une respiration trop lente pour pouvoir faire quoi que ce soit. Elle ne supportait pas cet endroit, cette chaise, elle-même, la mort était quelque part à se promener par plaisir, elle avait envie de ne rien voir, de se coudre les yeux, de rester dans l’innocence du tragique qui l’entourait. Mathilde était là aussi, elle lui parlait, essayait de la rassurer mais avec un regard rempli de tristesse. Émilie n’entendait rien, la seule chose à laquelle elle pensait c’était Jules et la dernière fois qu’ils s’étaient vus. Elle s’en voulait, pourquoi faut-il des journées douloureuses, du sang versé, attendre d’être au bord du précipice pour vouloir dire aux gens qu’on les aime ? Par peur de finir malheureuse?

Dans une salle de l’hôpital, un homme en blouse blanche fixait les yeux fermés du jeune homme qui était sur la table d’opération et dans un élan de désespoir regarda une dernière fois cette ligne sur la machine. Une ligne tellement horizontale, impénétrable comme si aucune chose auparavant n’avait existé dans la vie du jeune homme. Tel un jugement qu’une force invisible avait choisi et qui ne pouvait pas être rectifié. Il était 23h45 quand l’homme en blouse blanche regarda sa montre, dit quelques mots à ses collègues et sorti en silence pour ne pas réveiller le jeune homme endormi paisiblement sur la table.

Il marcha dans le couloir menant à la salle d’attente où se trouvaient les proches du jeune homme.

Ils étaient environ une dizaine à attendre, espérer le meilleur des verdicts. Le cœur du jeune homme c’était arrêté à 23h45, pourtant en annonçant cette nouvelle aux personnes présentes dans la salle, c’est une dizaine de cœurs qui furent brisés en quelques secondes. Les sanglots arrivèrent, il ne pu empêcher de retenir la fille aux cheveux châtains de courir pour sortir de cet endroit, les larmes des parents coulèrent et l’homme à la blouse blanche ne pu dire autre chose qu’une phrase qu’on lui avait suggéré de dire en cas d’échec : On a fait tout notre possible, je suis désolé.

 Une minute plus tard, l’homme marchait vite, retira sa blouse, la jeta et frappa la porte la plus proche sous le regard craintif de ses collègues. C’était fini.

 

Émilie couru vite, tellement vite, elle entra dans les toilettes les plus proches et vomit dans la cuvette. Elle ne s’arrêtait pas, mais pourquoi ses larmes ne venaient pas ? Pourquoi lui ? Elle tapa sur les miroirs des toilettes, cria, plusieurs fois, jusqu'à s'en casser la voix, à se déchirer la gorge. Elle n’avait plus rien à perdre, elle n’était plus qu’une enfant du désespoir, coupable pour elle, d’être complice de la mort de son bien-aimé, elle aurait aimé brûler à cet instant, que la douleur s’arrête. Elle eut des vertiges puis s’écroula sur le carrelage froid et dur,  qu’elle trouva pourtant si confortable avant de fermer les yeux.

Quand elle se réveilla, plusieurs personnes étaient dans les toilettes. Un autre homme en blouse blanche, une infirmière, Mathilde, Étienne et d’autres personnes qu’elle ne savait  reconnaître.

Elle commença à se lever, n’écouta pas les gens qui lui parlaient, elle répondait : « Je vais bien » à tout le monde pour qu’on la laisse tranquille. La seule chose qu’elle entendu était la voix de Mathilde qui lui proposait de partir d’ici. Émilie la suivie et quitta l’hôpital à 00h13. Cela faisait maintenant vingt huit minutes que Jules s'était endormi.

 

Quand Mathilde arriva chez Émilie, elle l’aida à ouvrir la porte d’entrée de la résidence, lui prit le bras pour monter les marches afin d'arriver à son appartement. Et maintenant ? Elle avait assisté dans les toilettes de l’hôpital à un excès de folie, une agonie qu’elle n’avait jamais vu chez sa meilleure amie, elle devait la surveillée, ne pas la laisser seule. Et pourtant..

« - Merci Mathilde, mais je préfère rester seule un moment.

- Émilie, à l’hôpital tu étais dans un état second, tu ne contrôlais rien, on aurait dis que tu étais folle ! Je ne peux pas te laisser seule après ce qui est arrivé à Jules et à toi.

- Oui j'étais folle, folle de lui. Et je n’ai jamais eu le courage de l’admettre.

- Émilie..

- Mathilde s’il te plaît, laisse moi. »

 

Mathilde s’exécuta, mais ne pouvait s’empêcher d’être inquiète  pour sa meilleure amie. Avant de partir, elle serra Émilie dans ses bras et lui promit qu’elle serait encore et toujours présente qu’importe le moment. Émilie n’en doutait pas.

 

Après le départ de Mathilde, Émilie se mit assise sur le sol de la cuisine contre un meuble. Et refit le film de la journée dans sa tête. D’après les agents de police à l’hôpital, l’accident de Jules était arrivé entre 22h10 et 22h15. Et que faisait-elle à cet instant ? Elle se leva et chercha son Iphone puis le rechargea. Quelques minutes plus tard, elle aperçut 22 SMS et 36 appels manqués. Elle fit défilés sur son portable la liste des appels et s’arrêta sur un prénom. Jules avait essayé de le joindre. Et il avait laissé un message vocal. Émilie reposa son téléphone et s’accroupit sur le sol. Devait-elle écouter ce qu’il avait eu à dire ? Après quelques secondes de réflexions, elle reprit son téléphone et appuya sur le message :

 

« Salut Émilie, tu dois sûrement avoir beaucoup de boulot ou tu n’as peut -être pas envie de me parler, mais voilà.. Pfiou.. Je suis très maladroit dans ce genre de choses alors je vais faire au maximum. Allez..

Pardonne moi de ne pas t’avoir laissé de nouvelles durant ces quelques jours. J’avais un énorme besoin de me vider l’esprit et de respirer. Et pourtant, plus je voulais m’occuper l’esprit, plus c’est à toi que je pensais. Un besoin de respirer ? C’est toi mon oxygène, pardonne moi d’avoir toujours été ambiguë avec mes sentiments, pardonne moi si je n’ai pas la force de dire les choses devant toi et pour ma maladresse. Mais en rentrant cette nuit chez toi, j’ai vu à quel point tu étais magnifique quand tu étais endormie, à quel point tu me manquais, j’avais besoin de te dire cela mais je n’ai pas osé te réveiller, je sais c’est bête. Je veux que tu comprennes qu’à présent je suis prêt à assumer mes ébats avec toi, je me fous de tout sauf de toi. Je me suis trop souvent enfermé dans un pessimisme, je n’arrivais pas à en sortir. Il est 15h54 à ma montre et ce soir aux environs de 22h10 cela fera un an que l’on s’est rencontrés et que je suis tombé amoureux de toi dans ton restaurant préféré.  Je t’attendrais sûrement à la même heure ce soir, pour peut-être déguster une bouteille de vin ensemble ?

Tu me manques et j’ai hâte de te retrouver.

Je t’aime. »

 

 

Une goutte d’eau roulait sur la joue d’Émilie. D’autres larmes suivirent la première. Elle ne pouvait pas les retenir mais cela ne la dérangeait nullement. Elle se sentait tellement seule, et la douleur qu’elle avait subi depuis l’accident de Jules commença à s’estomper.

Émilie reposa son téléphone et s’allongeât sur le canapé du salon en gardant précieusement l’un des pulls que Jules laissait traîner parfois. Elle le serra tout contre son cœur.

Elle ferma les yeux et murmura:

« Moi aussi je t’aime »

 

Il était 01h00 quand Émilie tomba dans les bras de Morphée, la pluie avait cessé de tomber depuis maintenant une heure et quinze minutes.

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